Le 19 juin 2025, un amendement de dernière minute, rattaché à une proposition de loi initialement portée par le Sénat, visant à instaurer un moratoire sur tout nouveau projet éolien et solaire photovoltaïque a été adopté par surprise à l’Assemblée nationale.
Ce vote inattendu, arraché par la droite et l’extrême droite en l’absence de nombreux députés du centre et de la gauche, inscrivait dans la loi la suspension « de l’instruction, de l’autorisation et de la mise en service » de toute nouvelle installation solaire ou éolienne, et ce, pour une durée indéfinie.
Portée par le député LR Jérôme Nury, la mesure a été qualifiée d’« irresponsable » par le gouvernement tant elle allait à l’encontre des objectifs énergétiques de la France.
On vous explique comment cette tentative de gel du photovoltaïque et de l’éolien s’est transformé en tempête politique, avant d’être largement rejetée quelques jours plus tard.
Un amendement choc qui inquiète le secteur solaire
L’amendement anti-éolien et anti-solaire adopté le 19 juin 2025 a provoqué la consternation immédiate du côté du gouvernement et des professionnels de l’énergie. Le ministre de l’Industrie et de l’Énergie Marc Ferracci a parlé d’un vote « parfaitement irresponsable » envoyant « un signal désastreux » à toute une filière industrielle.
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a rétorqué que « qu’on dise zéro éoliennes, zéro photovoltaïque, ça n’a pas de sens », rappelant qu’une telle suspension menacerait jusqu’à 150 000 emplois en France et mettrait en péril l’indépendance énergétique du pays.
Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et l’organisation France Renouvelables ont de leur côté dénoncé un « monstre législatif » menaçant de rayer d’un trait de plume des dizaines de milliers d’emplois et compromettant notre avenir énergétique. France Renouvelables a averti qu’il s’agissait ni plus ni moins que d’un des plus grands plans sociaux décidés à l’Assemblée.
L’ensemble de la filière a tiré la sonnette d’alarme, appelant les députés à « revenir à la raison » et à rejeter toute forme de gel sur des énergies renouvelables dont la compétitivité et l’utilité ne sont plus à démontrer.
Sur le terrain, les professionnels du solaire ont immédiatement exprimé leur stupeur et leurs craintes.
Dans les Pyrénées-Orientales, par exemple, André Joffre – président du pôle de compétitivité DERBI et pionnier du photovoltaïque en pays catalan – a expliqué qu’une telle mesure, « vu la manière dont est rédigé le texte, une mairie ne pourrait même plus donner d’autorisation aux particuliers qui souhaitent installer des panneaux photovoltaïques sur leur toit ».
En clair, même les projets solaires domestiques auraient été bloqués par l’interdiction pour l’administration d’instruire de nouveaux permis liés au solaire ou à l’éolien. « On ne pourrait plus rien faire », alerte André Joffre, qui estime que dans son seul département, plus d’une centaine d’entreprises locales (installateurs, électriciens, multi-services…) se seraient retrouvées « l’arme au pied, sans pouvoir travailler », menaçant plus d’un millier d’emplois directs.
Front commun contre le moratoire

Face à cette indignation générale, le gouvernement et la majorité présidentielle ont très vite durci le ton.
Le texte initial en question, déposé au Sénat par le sénateur LR Daniel Gremillet, visait à programmer la politique énergétique française jusqu’en 2035 en misant sur un rebond du nucléaire tout en fixant des objectifs en matière d’énergies renouvelables.
Or, son examen à l’Assemblée a déraillé sous la pression de LR et du RN : après quelques scrutins en commission allant déjà à contre-courant (sortie du marché européen de l’énergie, réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim…), l’amendement sur le solaire et l’éolien a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
En réaction, les groupes du « bloc central » (Renaissance, MoDem, Horizons, alliés de la majorité) ont annoncé qu’ils s’opposeraient fermement à la proposition de loi ainsi dénaturée.
Gabriel Attal a dénoncé la formation d’un « axe anti-écologie » entre LR et RN, estimant qu’un tel recul serait dramatique pour l’environnement, qu’il « anéantirait un secteur entier de notre économie » et constituerait « un immense cadeau aux pays exportateurs de pétrole ».
Dans le même esprit, le patron des députés MoDem Marc Fesneau a jugé le texte « totalement désarticulé » et le groupe Horizons a également fait savoir qu’il voterait contre, qualifiant le projet « ni sérieux ni cohérent ».
L’opposition de gauche, de son côté, s’est jointe à ce front commun anti-suspension. Les Insoumis, socialistes et écologistes ont vivement critiqué la « désertion » initiale de certains bancs qui avait permis l’adoption de l’amendement Nury.
Pour bien comprendre
• L’amendement Nury : la proposition
Il s’agit d’un amendement législatif, autrement dit, d’une modification proposée à un texte de loi (ici, la loi de programmation énergétique Gremillet). Déposé par le député LR Jérôme Nury, qui visait à introduire dans la loi une suspension immédiate des projets photovoltaïque et éoliens.
C’est l’outil législatif, le texte précis qui aurait permis de créer un moratoire.
• Le moratoire : la conséquence si la proposition passe
C’est une suspension temporaire ou prolongée d’un droit ou d’une autorisation, souvent décidée par l’État dans un contexte d’urgence, de doute ou de révision stratégique.
Dans ce cas précis, il s’agissait d’un gel sur l’instruction, l’autorisation et la mise en service de tout projet PV et éolien — y compris les projets déjà bien avancés.
C’est la conséquence que l’amendement Nury aurait eue s’il avait été conservé dans la loi.
Tous ont appelé à faire barrage à un projet jugé contraire aux engagements climatiques de la France. Même des voix au sein de LR se sont élevées pour regretter un vote en contradiction avec la ligne historique de la droite favorable à un mix électrique équilibré combinant nucléaire et renouvelables depuis le Grenelle de l’environnement.
L’onde de choc a donc fini par ressouder une large majorité de députés contre cette suspension.
En parallèle, des acteurs habituellement peu enclins à soutenir les énergies vertes ont exprimé leur réticence : la puissante FNSEA (premier syndicat agricole) a jugé la mesure « inacceptable pour les agriculteurs », soulignant que nombre de projets photovoltaïques ruraux seraient gelés, tandis que l’Union Française de l’Électricité (qui réunit l’ensemble de la filière, nucléaire compris) y a vu un « signal profondément contre-productif » pour l’avenir du secteur.
Échec du moratoire

Le 24 juin 2025, l’Assemblée nationale a rejeté massivement la proposition de loi Gremillet et, avec elle, l’amendement Nury qui instaurait le moratoire sur le solaire et l’éolien.
Résultat : 377 députés contre, 142 pour (principalement le RN et quelques alliés). Les Républicains, divisés, se sont pour la plupart abstenus.
Ce rejet a acté la fin du gel, sous les applaudissements du gouvernement.
Marc Ferracci a dénoncé des mesures « industriellement absurdes » et « dévastatrices pour nos territoires », tandis que Jérôme Nury a assumé sa position au nom du « bon sens » et de la souveraineté énergétique.
Le texte repart en deuxième lecture au Sénat, mais sa mise en œuvre semble désormais hautement improbable.
Ce qu’il faut retenir pour les particuliers intéressés par le photovoltaïque
Pas de panique : aucun moratoire n’a été appliqué. Vous êtes libres d’installer des panneaux photovoltaïques.
Ce scrutin confirme surtout que le soutien aux énergies renouvelables reste largement majoritaire au Parlement, au gouvernement, et dans les territoires.
Le photovoltaïque reste toujours aussi rentable, stratégique et soutenu (y compris dans la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), que le gouvernement prévoit d’adopter rapidement.)
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